Contribution de l’association CQFD Lesbiennes féministes aux Etats Généraux de Bioéthique

ETAT GÉNÉRAUX DE LA BIOÉTHIQUE
AUDITION DE l’ASSOCIATION CQFD LESBIENNES FÉMINISTES le 25 avril 2018 par le CCNE (Comité Consultatif National d’Éthique)

L’association CQFD lesbiennes féministes a été créée en 1997 avec pour objectif de promouvoir la visibilité des lesbiennes (tout ce qui n’est pas nommé n’existe pas), de lutter contre la lesbophobie, contre toutes les discriminations, principalement celles concernant les femmes, et contre les violences faites aux femmes.C’est sous le thème « Fierté Lesbienne » que CQFD a rassemblé jusqu’en 2005 l’ensemble des événements de visibilité lesbienne qu’elle a organisé (Forum des associations lesbiennes féministes, Char lesbien dans la marche des Fiertés LGBT à Paris, débats, salons des écrivaines lesbiennes, projections, expositions, concerts, fêtes…°)Son action contre la lesbophobie et les violences lesbophobes a pris plusieurs formes :

  • La création d’un fonds de solidarité destiné à soutenir financièrement les actions en justice de lesbiennes victimes de lesbophobie et/ou de sexisme. CQFD a ainsi soutenu et accompagné une quinzaine d’actions en justice, intentées par des lesbiennes, à raison d’un ou deux cas par an : harcèlement, discriminations et violences lesbophobes dans la rue, la famille, au travail.
  • Le soutien à des organisations lesbiennes clandestines et des cas de lesbophobie dans les pays où le lesbianisme est violemment réprimé.

De 2007 à 2017, CQFD a assuré la présidence de la Coordination Lesbienne en France (CLF), un regroupement national d’organisations Lesbiennes féministes, où elle a porté la lutte pour l’abolition universelle du recours à la GPA (en collaboration étroite avec la CADAC : Collectif d’Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception et le CoRP : Collectif pour le Respect de la Personne). A la dissolution de la CLF en 2017, l’association CQFD Lesbiennes Féministes a naturellement repris son action pour l’abolition universelle de la GPA initiée dès 2001 et traduite dans le manifeste ci-joint dès 2011 (actualisé en 2014). Elle était partie prenante de l’organisation des Assises pour l’abolition universelle du recours à la GPA (2 février 2016) et des interventions auprès du Conseil de l’Europe etc. (2016-2017)

A noter que la Coordination Lesbienne en France a, en 2013, quitté l’InterLGBT dont elle était membre pour marquer son désaccord et le désaccord des organisations lesbiennes féministes avec la tendance du mouvement LGBT à se positionner en faveur du recours à la GPA et de la prostitution.

C’est au titre de la poursuite de l’action de la CLF pour l’abolition universelle de la GPA que CQFD souhaiterait voir clarifier certains enjeux de bioéthique :

    1. Nous demandons que la GPA ne soit pas assimilée à une technique de procréation médicalement assistée. En effet dans cette pratique, seule la FIV relève d’une pratique médicale. Les autres aspects de la gestation pour autrui : recrutement de « mère porteuse », recueil du consentement (par voie légale ou contractuelle), gestation, accouchement et organisation du transfert de filiation ne peuvent être assimilées à des actes médicaux. Cette anomalie se retrouve par exemple au niveau de l’OMS.
      Cet amalgame contribue abusivement à faire glisser le recours à la GPA vers le domaine médical. Ainsi assimilée à une pratique validée par la science médicale, la GPA apparaît plus acceptable pour l’opinion publique » échappe à toute analyse critique et sa finalité s’en trouve masquée : instrumentaliser, exploiter et marchandiser le corps des femmes.
      Nous attirons aussi l’attention sur la confusion entretenue entre PMA et GPA dans le débat public.
    2. Réaffirmer la non commercialisation du corps humain en tant que principe fondamental de notre société apparaît crucial.
      En étudiant les politiques nationales en matière de GPA autour du monde, on se rend compte que ce principe constitue une valeur commune à beaucoup de pays d’Europe qui, comme la France, placent l’être humain au centre de la société et des politiques sociales.
      En revanche, les pays de culture anglosaxonne, par pragmatisme sans doute, s’appuient sur le contrat comme mode de relation entre les personnes, contrat encouragé dans tous les domaines au nom du consentement supposé libre et éclairé de tout individu y compris dans la GPA (cas des Etats Unis). En cas de dérive, l’état y légifèrera pour écarter les abus en mettant en avant la GPA éthique, sans jamais remettre en cause le fondement de cette pratique (Royaume uni, Inde…). Pour nous, la GPA qu’elle soit « éthique » ou commerciale participe foncièrement de l’appropriation et de l’exploitation du corps des femmes.
    3. Nous attirons aussi votre attention sur une tendance qui se fait jour et que les nouvelles techniques de procréation médicalement assistée contribuent à accélérer : c’est l’intensification de la pression à la reproduction avec la quasi sublimation du lien génétique. Les luttes féministes ont eu pour objectif de lever la contrainte à la reproduction qui pesait sur les femmes pour qu’elles puissent enfin passer du statut de procréatrices à celui d’individues autonomes, citoyennes et responsables.
      Aujourd’hui, cette contrainte à la reproduction élargit son périmètre puisqu’avec la GPA, elle s’étend désormais simultanément à plusieurs femmes (la donneuse d’ovocyte, la gestatrice, la mère d’intention), et s’accentue vis-à-vis des gays et des lesbiennes. L’exigence absolue de lien génétique entre parents et enfants conduit aussi à négliger d’autres voies d’organisation de la parentalité : adoption, coparentalité, beau-parentalité etc.

Commerciale ou éthique, nous considérons que la GPA est une violence à l’égard des femmes comme l’est par ailleurs la prostitution, système d’instrumentalisation et de marchandisation du corps des femmes.