Discriminations à l’adoption et à la PMA : ça suffit !
Tribune publiée dans l’Humanité le 21 juin 2019 (texte collectif).
Résultat de l’augmentation des violences envers les personnes LGBTQI+ constatées depuis quelques années et dans la suite du débat autour du mariage pour tou∙te·s, la France a perdu 11 places en 2019 dans le classement Spartacus des pays les plus LGBT-friendly dans le monde (17e contre 6e en 2018).
Plus que jamais il nous faut mener les combats universels contre la lesbophobie, l’homophobie, la biphobie, la transphobie et afficher une tolérance zéro contre les actes LGBTphobes en continuant de ne pas tolérer la moindre insulte jetée à la volée, inscrite sur un mur ou au sol. Mais il nous faut aussi dénoncer l’indifférence vis-à-vis de ces actes et les promesses encore non tenues pour l’égalité des droits.
Ces discriminations se ressentent ainsi dans l’accès à la citoyenneté, plus particulièrement dans le droit à l’adoption. L’adoption est légalement possible pour les couples de même sexe mariés depuis l’ouverture du mariage civil à ces derniers en 2013. Deux femmes ou deux hommes peuvent donc théoriquement adopter un∙e enfant, avec une autorité parentale partagée.
La réalité est tout autre. Les témoignages anonymes de discriminations dans les processus d’adoption se multiplient, les couples de même sexe décrivant la manière dont ils sont déboutés ou découragés par les structures donnant l’accord final, les contraignant à se tourner vers l’étranger.
Lorsqu’un couple de même sexe se voit agréé en vue d’adoption en France (ce qui arrive), sa candidature à l’apparentement reste soumise au conseil de famille des pupilles de l’État, constitué d’élu∙e·s du conseil départemental, de membres d’associations de pupilles de l’État et de familles adoptantes, ainsi que de professionnel·le·s de la protection de l’enfance.
Alors qu’une étude de l’Ifop a estimé à 52 % le pourcentage de personnes LGBT de 18 à 45 ans résidant en France souhaitant avoir des enfants au cours de leur vie, dont près de deux lesbiennes sur trois (62 %), l’Association des familles homoparentales (ADFH) a récemment révélé que seule une dizaine de couples de même sexe a pu adopter en 2017. À Paris, seul un couple de même sexe aurait été retenu par le conseil de famille en 2016.
Il est intolérable que l’adoption par les couples de même sexe rencontre autant de barrières, lorsque l’on sait que ces refus poussent certain∙e·s vers la GPA (gestation pour autrui). En effet, la connaissance ou le soupçon du fait que les couples de même sexe sont discriminés dissuadent ceux-ci d’entamer la procédure d’adoption. Or, la GPA est une pratique qui repose sur l’exploitation et l’instrumentalisation du corps des femmes, principalement les plus pauvres : en l’état, il ne peut en réalité pas y avoir de GPA éthique, c’est une chimère. Nous ne pouvons pas cautionner cette pratique car elle procède d’une démarche conservatrice qui porte atteinte aux droits et à la dignité des femmes et les enferme dans le rôle de procréatrices que leur assignent les sociétés patriarcales.
À Paris, on note aussi que les demandes des personnes célibataires semblent, de fait, écartées. Or, on sait pourtant qu’une part conséquente de ces dossiers est en réalité déposée par des couples homosexuels qui craignent d’être discriminés. Le résultat est le même.
L’autre raison de la chute de la France dans le classement Spartacus est le report à l’été prochain de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi sur l’ouverture de la PMA aux femmes célibataires, pour le moment seulement autorisée aux femmes en couple avec un homme. D’après un sondage BVA publié récemment, les deux tiers des Français∙e·s sont pourtant favorables à son extension aux couples de femmes. Aujourd’hui, les femmes qui en ont les moyens partent à l’étranger pour effectuer des PMA, et celles qui ne le peuvent pas pratiquent des PMA « artisanales », prenant des risques concernant leur santé et celle de leur(s) enfant(s).
« Certains au sein du gouvernement s’interrogent (…) sur la nécessité de s’attaquer dès maintenant à la loi bioéthique et son explosif volet sur la PMA », a révélé le journal le Parisien le 1er juin dernier, tandis qu’Agnès Buzyn a évoqué une nouvelle fois ce 4 juin la difficulté de « trouver un espace dans le calendrier parlementaire ». Ce énième report, inadmissible, de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes promise par le candidat Emmanuel Macron incarne bien la position du gouvernement concernant les droits des femmes. Avec Édouard Philippe et Marlène Schiappa, le président de la République a proclamé l’égalité entre les femmes et les hommes « grande cause nationale », force est de constater le décalage entre leurs paroles et leurs actes.
Nous demandons donc aujourd’hui au gouvernement français de prendre de véritables mesures en faveur de la parentalité et d’un accès à l’adoption pour les couples homosexuels, le secrétaire d’État chargé de la Protection de l’enfance ayant lui-même reconnu le 18 avril dernier que ces derniers font face à des pratiques discriminatoires.
Avec ces mesures concrètes, il s’agirait de ne plus reléguer les personnes LGBTQI+ à un statut de citoyen∙ne·s de seconde zone mais de les traiter comme de véritables citoyen∙ne·s français∙e·s, disposant des mêmes droits que les couples hétérosexuels : anonymisation des requérant·e·s lors des conseils de famille ; diversification des conseils de famille en y intégrant, lors de leur renouvellement, des associations et des personnalités qualifiées représentant des structures familiales moins hétéronormées, parmi elles des associations soutenant les droits des personnes LGBTQI+ ; inspections nationales régulières des conseils de famille ; ouverture de la PMA à toutes les femmes en tant qu’application du principe de non-discrimination et d’égalité des droits devant le projet parental.
Signataires : Hélène Bidard, adjointe à la maire de Paris, responsable de la commission féminisme-droits des femmes au PCF, Laurence Cohen, sénatrice PCF du Val-de-Marne, CQFD Lesbiennes Féministes.