« Lori Lightfoot, nous et les autres » Journée internationale de visibilité lesbienne Avril 2019
Journée internationale de la VISIBILITE LESBIENNE organisée à Paris par Osez Le Féminisme. Catherine Morin Le Sec’h est intervenue pour l’association CQFD Lesbiennes Féministes.
Bonjour à toutes et à tous
L’association CQFD Lesbiennes Féministes, créée il y a plus de 20 ans en 1997 pour lutter contre la lesbophobie et dans le but de promouvoir la visibilité des lesbiennes, est heureuse de partager avec vous cette « Journée internationale de la VISIBILITÉ LESBIENNE ».
Suite aux mobilisations des mouvements homosexuels et lesbiens dans les années 1970, la pénalisation de l’homosexualité fut abrogée, en France, à partir de juin 1981 sous la présidence de François Mitterrand. Les droits et libertés ne sont jamais totalement acquis et souvent le résultat de luttes menées, raison pour laquelle je rappelle cette date.
La majorité d’entre nous a connu la répression de l’homosexualité avec très peu d’espace pour vivre ouvertement et librement son identité, sans quasi aucun repère positif pour nous y identifier. Néanmoins notre imagination, nos forces et la solidarité nous permettaient de franchir des obstacles pour vivre heureuses autant que possible.
En 1997, afin de nommer les discriminations spécifiques dont sont victimes les lesbiennes, avec la Coordination Lesbienne en France (C.L.F.) , nous avons créé et défini le concept « Lesbophobie » (1) . Le terme « d’homophobie » nous paraissant faussement universaliste puisqu’il rend invisibles les lesbiennes.
Notre expérience en ce domaine conforte le constat que les discriminations envers les gays et les discriminations envers les lesbiennes n’opèrent pas selon les mêmes processus. Dans la plupart des pays le schéma est le même, à des degrés certes différents.
Dès leur plus jeune âge, les garçons occupent l’espace extérieur. En revanche, les filles disposent de moins d’autonomie pour construire leur personnalité hors de la sphère familiale, premier lieu d’oppression pour les femmes. Les tentatives de résistance au formatage social des filles sont très tôt réprimées : reprise en main pour se conformer à un modèle hétéro-sexiste patriarcal *, violences pour une conformation radicale au modèle sexuel dominant et mariage forcé accompagné de violences physiques et psychiques, pratiques courantes dans les pays où l’homosexualité est interdite et les lesbiennes durement réprimées.
(* Système de société inégalitaire et misogyne qui n’a pas donné la preuve d’être le mieux adapté aux droits humains et à la survie de la planète, il serait temps de revoir ses copies !).
Au sein de CQFD Lesbiennes Féministes, nous exerçons notre solidarité active selon deux axes principaux :
- 1/ que la lesbophobie soit prise en compte dans le dispositif législatif contre les violences faites aux femmes à condition que ces dispositifs intègrent la prévention dans tous les milieux scolaires, la répression n’étant pas une bonne solution pour construire à long terme une société « vivable ».
- 2/ agir contre les violences lesbophobes, car lorsque l’une d’entre nous en est victime, nous sommes toutes concernées.
Lorsque des lesbiennes décident d’agir en justice, nous contribuons aux frais d’avocates avec notre fonds de solidarité lesbienne. Celui-ci provient d’évènements de visibilité lesbienne organisés par CQFD pendant 10 ans (2), fonds maintenant complété par des dons.
L’action en justice est aussi la reconnaissance d’une violence sociale.
A ce jour, CQFD Lesbiennes Féministes s’est impliqué dans une quinzaine de procès. Procès pour harcèlement physique et psychologique de la part du voisinage, de la famille, sur des lieux de travail, dans la rue, dans le métro…
La dernière affaire que nous venons de soutenir, concernait une agression verbale et physique par plusieurs hommes contre deux lesbiennes qui s’embrassaient (« tout naturellement » pourrions nous dire ! ) à la sortie d’une boite de nuit gay-frendly à Paris ! Lors du procès, en entendant le réquisitoire de la procureure de la république, nous avons pu constater, qu’enfin, la société évolue et que les agressions lesbophobes deviennent de moins en moins acceptables.
Les fondements de cette société patriarcale commenceraient-ils à se fissurer ?
Les violences lesbophobes n’ont pas de frontière.
En lien avec des organisations étrangères, souvent clandestines, nous soutenons des lesbiennes en difficultés dans des pays où l’homosexualité est encore interdite et durement réprimée.
Actuellement, nous accompagnons une lesbienne militante en danger.
Nous venons aussi de porter secours à une lesbienne rejetée par son entourage, après avoir été violée quand son lesbianisme a été découvert. A la suite de ce viol punitif, un enfant est né. La contraception n’est autorisée dans ce pays que pour les femmes mariées et il n’y existe aucune possibilité d’avorter.
Comme il est triste et pitoyable d’agresser et de discriminer des personnes pour le motif qu’elles s’aiment !
Où et Qui est véritablement le problème ?!
Liberté, égalité, sororité sont des valeurs qui nous motivent :
LIBERTE car comment se dire libres quand des lesbiennes vivent sous la menace d’être agressées et discriminées.
EGALITE car un monde sans égalité ne peut garantir la liberté de ses citoyennes et citoyens, et les inégalités sociales et économiques génèrent ressentiments et violences, poisons d’une évolution positive d’une société.
C’est au nom de l’égalité que CQFD Lesbiennes Féministes soutient la revendication de la PMA pour TOUTES les femmes.
SORORITE parce que oui, mes sœurs, nous sommes gagnantes quand nous restons solidaires, c’est notre force, votre force, que personne ne peut nous enlever.
Par ailleurs, depuis les années 2010, CQFD Lesbiennes Féministes s’est mobilisée contre la GPA, pratique capitaliste d’exploitation du corps des femmes. En 2018, elle a co-fondé la CIAMS, Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution (GPA) avec trois autres associations féministes : le CoRP (Collectif pour le Respect de la Personne), la CADAC (Collectif des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception) et L’Assemblée des Femmes (Fondée en 1992 par Yvette Roudy, ministre des Droits des femmes de 1981 à 1986).
Pour conclure ce jour de visibilité lesbienne, nos pensées vont à toutes les lesbiennes dans le monde qui sont menacées, harcelées, agressées, mariées de force, violées, battues, assassinées … Le droit d’asile est un devoir que tout pays qui se dit « démocratique » doit mettre en œuvre pour toutes les lesbiennes et les femmes qui demandent protection.
Lesbiennes, nous revendiquons le droit de vivre visiblement ce que nous sommes et affirmons qu´il n’y a aucun prix à payer pour exister au grand jour.
Contre toutes les discriminations nous aspirons à la dépénalisation universelle de l’homosexualité. Il est grand temps que tout le monde puisse s’aimer et vivre en paix.
Nos pensées vont aussi à toutes celles qui se battent pour changer le monde.
Nous resterons positives en saluant Lori Lightfoot, afro-américaine et ouvertement lesbienne, devenue maire de Chicago, troisième grande ville américaine, élue avec un programme progressiste pour, en autres, réduire les inégalités sociales et raciales. Bravo Lori, nous vous souhaitons un mandat jalonné de réussites !
CQFD Lesbiennes Féministes vous souhaite une bonne soirée de visibilité lesbienne. Que cette visibilité puisse nous réjouir tous les autres jours.
(1) La lesbophobie , ensemble de violences homophobes et sexistes, se manifeste par la peur et la haine envers les lesbiennes parce qu’elles transgressent les rôles féminin/masculin établis par une société patriarcale, qu’elles sont indépendantes des hommes sexuellement et en partie économiquement.
Pour des informations complémentaires sur le mot /concept « lesbophobie » :
Histoire du concept lesbophobie
La lesbophobie définition
La lesbophobie, un concept récent
(2) Ce fonds ne provient d’aucune subvention ni sponsor mais de la force de travail bénévole de centaines de lesbiennes féministes. Après la « Marche des fiertés » en juin, pendant 10 années à partir de 1995, CQFD organisait une grande manifestation lesbienne dans la salle mythique de Wagram à Paris avec un salon d’associations lesbiennes et féministes, des conférences, débats, expositions, projections de films, concerts, théâtre … se terminant par une grande fête dansante jusqu’au petit matin où nous assurions le petit déjeuner avant de nous séparer. Dès les premières années, 2 200 femmes (lesbiennes et copines hétéros présentes pour le plaisir et par soutien) ont répondu présentes au rendez-vous sans aucun soutien médiatique … ni internet qui n’existait quasiment pas.