Quelle pourrait être la position féministe à l’égard de la maternité de substitution (GPA – Gestation pour autrui) ?

Des groupes de femmes des années 70 si dynamiques et libératrices à la structuration des mouvements contre les discriminations et les violences faites aux femmes des années 90 et 2000, que nous a transmis le féminisme pour mieux comprendre ce qui est à l’œuvre dans la GPA ?

Une position féministe claire contre le recours à la GPA

Par rapport à la GPA, La position féministe a toujours été clairement exprimée, souvent scandée dans les manifestations du 8 mars (journée internationale pour les droits des femmes) et 25 novembre (journée internationale contre les violences faites aux femmes) :

« Ni à vendre, ni à prendre le corps des femmes n’est pas une marchandise. »

Ce slogan exprime bien, dans toute sa force réaliste, ce que le code civil spécifie en France dans la loi du 29 juillet 1994 qui pose le principe de non patrimonialité du corps humain et stipule que :

  • « Toute convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui est nulle » article 16-7 du Code civil
  • « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial » article 16-1 du Code civil
  • « Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ». Article 16-5 du Code civil

La GPA porte atteinte à l’égalité qui est la clef d’une réelle liberté.

Nous féministes, sommes pour une société où il soit possible de vivre décemment et de s’y épanouir dans l’égalité et la solidarité.
Quand nous parlons d’égalité, ça n’est pas l’image d’individu-es identiques qui se présente à nos yeux, mais plutôt celle d’une grande harmonie ou toute personne trouve sa place, et peut vivre en confiance, sans discrimination ni prédation ni exploitation. Dans ce sens l’égalité est bien le terreau fertile de la liberté.

Et que voit-on avec la GPA : le désir d’individu-es exigerait qu’une catégorie de la population, c’est-à-dire les femmes, se « dévouent » pour satisfaire leur désir d’enfant. Elles seraient ainsi instrumentalisées au bénéfice de « donneurs d’ordre » aisés. Où est l’égalité ?

D’ailleurs, qui demande à bénéficier du recours à la GPA ? Est-que ce sont les femmes qui, en cortège, se pressent derrière une bannière revendicative « nous voulons le droit de porter les enfants des autres – pour les leur abandonner ensuite ». Non, la demande de légalisation de la GPA émane toujours de gens qui seront du côté acheteur de l’enfant, rarement du côté des femmes chargées d’enfanter pour le compte d’autrui. Demandeurs, futures parents d’intention et femmes chargées d’enfanter ne sont pas du même monde. La hiérarchie sociale les sépare où que soit réalisée la GPA, en Europe, en Asie, en Amérique du Nord ou du sud et en Afrique. La GPA : nouvel avatar des inégalités sociales !

L’appel aux bons sentiments manipule l’opinion publique en faveur de la GPA

Très précisément qu’exigent les demandeurs des femmes chargées de porter leur enfant :

  • Qu’elles investissent dans ce projet d’autrui 9 mois de leur vie avec toutes les contreparties de la grossesse, nausées, fatigue, dépression  postpartum, …
  • Qu’elles portent ces enfants au risque de leur santé. L’implantation d’un embryon biologiquement étranger à la mère porteuse, induit des risques graves de rejet nettement plus important que dans une grossesse habituelle, par exemple, risque de pré-éclampsie en langage médical.
  • Qu’elles renoncent pendant 9 mois de leur vie à leurs droits fondamentaux Les contrats de GPA, au gré des demandeurs, peuvent aller jusqu’à régenter leur vie sexuelle, leur alimentation, leur mode de vie, leur imposer ou leur interdire l’accès à l’avortement etc.
  • Qu’elles y consentent avec le sourire. Parce que selon des stéréotypes bien ancrés, les femmes seraient « généreuses ». Les femmes seraient généreuses et pas les hommes ? Ils seraient quoi alors ? belliqueux, agressifs, égoïstes… selon une répartition bien genrées des sentiments.

Mais de cela on ne parle guère, la compassion sélective, bien médiatisée, va aux seuls demandeurs et à leur désir d’enfant.

S’agit-il de sauver une vie ? Non !! juste de satisfaire un désir individuel.

Nonsense !! . On retrouve bien là l’habituelle tentative de manipulation par les bons sentiments la bonne mère porteuse va immanquablement rejoindre la panoplie des exploité-e-s : le brave ouvrier, le bon « nègre », la brave femme, la bonne ! ….

Que les promoteurs de la GPA arrêtent d’avancer masqués en évoquant de beaux principes comme l’altruisme. Bien sûr pas le leur, ni celui des divers opérateurs impliqués dans ce système : intermédiaires, cliniques, médecins juristes … mais celui des femmes chargées d’enfanter pour leur compte.

La GPA, un nouvel outil au service de la pression sociale à la reproduction ?

Ce désir d’enfant, exprimé comme irrépressible, interroge : l’épanouissement personnel passerait-il par la reproduction ?

En 1920, dans sa politique familialiste d’après la grande guerre de 14-18, le gouvernement exigeait des femmes une production d’enfant.

Et aujourd’hui, c’est une catégorie de la population, couples gay, couples hétérosexuels ou bien célibataires qui cherche à faire peser sur les femmes la satisfaction de leur désir d’enfant. Pour y arriver, ces personnes sont prêtes à instrumentaliser l’état en exigeant qu’il revienne sur l’un des principes fondamentaux de notre société : la non patrimonialisation du corps humain, valeur fondamentale républicaine dont ce pays peut être fière. N’y a-t-il pas là un retour en force du patriarcat et tentative de restaurer l’ordre ancien ?

Loin de nous l’idée de condamner la démarche des couples ou individu.es demandeurs d’enfant. En tant que femmes, nous connaissons le poids de la pression sociale à la reproduction contre laquelle nous nous sommes levées. Nous savons que l’épanouissement de l’individu-e ne passe pas nécessairement par la procréation. Alors cessons de demander à chaque nouveau couple, hétérosexuel ou homosexuel : « Alors, l’enfant, c’est pour quand ? »

A travers la pratique de la GPA chercherait-on à restaurer le droit du sang ?

Que signifie cette recherche à tout prix de la filiation génétique avec la GPA. ?
La mise en avant du lien génétique intervient d’abord pour occulter le rôle de la mère porteuse. Faute de lien génétique avec l’enfant qu’elle porte, elle ne serait qu’un réceptacle. Certains osent même la qualifier de four à pain !!

Par ailleurs, il est curieux qu’un bout de code de notre ADN soit à ce point valorisé et semble investi de beaucoup d’autres choses étonnantes.

Si la GPA est choisie au détriment de l’adoption, c’est qu’elle assure la filiation génétique.

Rappelons que dans la plupart des GPA, les gamètes proviennent d’une donneuse d’ovocyte externe et du sperme du demandeur (dénommé généralement père d’intention). La filiation est alors établie sur la base du seul lien génétique masculin avec l’enfant, le lien génétique avec la donneuse d’ovocyte étant occulté.

Cette prééminence de la transmission génétique, et en l’occurrence de la transmission génétique masculine, interroge et évoque tristement d’autres concepts : la pureté de la lignée, le droit du sang, le sang bleu. Avec la GPA, on se demande vers qu’elle type d’idéologie glisse lentement la société qui se profile

On assiste au détournement des luttes féministes au profit de la promotion de la GPA

« L’accès à la GPA serait dans la droite ligne de nos luttes pour l’accès à l’IVG » entend on souvent.

Belle escroquerie intellectuelle qui consiste à détourner le sens des luttes féministes.

Avec le slogan « Notre corps, nous même » les femmes contestaient l’emprise d’un certain pouvoir médical sur leur corps.

En scandant « Un enfant si je veux, quand je veux », c’était la libération collective de la pression à la reproduction imposée par la société que nous revendiquions et l’accès à l’émancipation pour toutes les femmes.

La demande en faveur de la GPA s’appuie sur des ressorts à l’opposé des principes féministes :

  • Le retour à la contrainte à la procréation,
  • La suprématie des droits individuels sur les droits collectifs,
  • La primauté de la liberté individuelle sur l’égalité,
  • La mise en avant du consentement pour masquer les rapports de domination.

Pour CQFD Lesbiennes Féministes
Catherine Morin Le Sech
Jocelyne Fildard
Marie Josèphe Devillers