Pourquoi nous sommes contre la GPA (MANIFESTE)

Pourquoi nous sommes contre la GPA (MANIFESTE)

Les campagnes en faveur de la légalisation de la Gestation pour Autrui, sont de plus en plus insistantes. Déjà, en juillet 2013, une agence américaine est venue à Paris proposer des bébés clef en main (choix des donneuses d’ovocytes sur catalogue, sélection des mères porteuses sur leur performances…). Exprimer un point de vue fort, résolument contre la GPA nous a semblé nécessaire dans ce contexte. La Cadac, la Coordination Lesbienne en France, et aujourd’hui CQFD, Lesbiennes Féministes, partagent une position commune sur le sujet et communiquent ensemble pour mieux clarifier les enjeux de la GPA et argumenter contre sa légalisation. Il en est résulté un texte intitulé « Pourquoi nous sommes contre la Gestation pour Autrui ! » que nous vous communiquons ci-dessous et en pièce jointe.

Pourquoi nous sommes contre
la Gestation pour Autrui !
(recours aux mères porteuses)

Aujourd’hui qu’en est-il de la GPA ?

Notre législation s’oppose à la commercialisation du corps humain et stipule que « la mère est celle qui accouche ». Ces deux principes fondamentaux font barrage au recours à la gestation pour autrui (GPA).

La GPA est revendiquée au plan thérapeutique comme palliatif de l’infertilité en mettant en avant le cas de femmes nées sans utérus fonctionnel et de plus en plus, en réponse à une demande sociale. Ainsi, le bébé « clef en main » répond déjà à une demande homoparentale « gay » au nom du lien génétique. Il est considéré comme une alternative aux procédures d’adoption parfois longues et aléatoires. Il satisfait à l’exigence de confort de certaines femmes au nom de leur carrière ou de leur physique.

Le public, lui, est partagé entre un sentiment de révolte face à ce qui lui semble choquant au plan humain, une tentation compassionnelle vis-à-vis de la dramatisation de l’infertilité et de l’incapacité biologique des hommes à porter un enfant et enfin une sorte d’oblitération critique devant ce qu’on présente, à tort, comme une avancée des méthodes de procréation médicalement assistée (PMA).

Une régression sociale constatée

Le revers de cette demande est une régression sociale féroce, observée partout où la libéralisation de la GPA s’est instaurée. Une véritable industrie de « location des ventres » et de commerce d’ovocytes se développe ainsi en Inde, en Ukraine et aux USA où des agences proposent une prestation aboutissant à la livraison d’un produit, « un bébé », avec choix sur catalogue des donneuses d’ovocyte en fonction de leur physique, sélection des gestatrices sur leurs performances et procédure juridique organisant la filiation.

Tout repose sur un dispositif contractuel d’essence libérale qui spécifie les critères de sélection de la gestatrice, ses obligations tout au long de sa grossesse, les dédommagements financiers, les conséquences de retrait du contrat avant terme…

Il est symptomatique que les gestatrices sont, en Inde et en Ukraine, des jeunes femmes pauvres tandis qu’aux USA elles se recrutent parmi les mères au foyer, c’est à dire parmi les femmes sans revenus propres !

Une vision de la société que nous ne pouvons partager

Face à ces pratiques mercantiles, une demande d’encadrement de la GPA s’est fait jour. Elle propose que les conditions d’accès pour les demandeurs/euses et de participation pour les gestatrices soient fixées, non plus par contrat, mais par la loi. Cette démarche, de type « réglementariste », aurait pour effet de rendre acceptable ce qui ne peut l’être, et ce, au nom de préoccupations dites « éthiques ».

Derrière ces arguments en faveur de la GPA se profile une vision de la société que, nous féministes et lesbiennes féministes, ne pouvons partager : l’épanouissement de l’individuE passerait par la mise en œuvre irrépressible d’un projet parental organisé autour de la sublimation du lien génétique. La société devrait s’employer par tout moyen, à satisfaire cette demande même au prix de l’instrumentalisation d’une partie des êtres humains : les femmes, et de la marchandisation de notre utérus et de nos ovocytes bafouant les principes d’égalité et d’équité.

Pour la mise en œuvre de cet objectif, d’aucuns s’appuient sur les ressorts classiques de l’aliénation et de la domination : la glorification de vertus présentées comme « spécifiquement féminines » telles la générosité, l’altruisme, le don de soi, le bonheur et le rayonnement de l’état de grossesse, figeant ainsi les femmes dans ce rôle traditionnel dans lequel on voudrait les maintenir. Il est temps d’en finir avec la domination héritée d’époques où la justification sociale de l’existence des femmes passait par leur capacité procréative, l’une des impositions du système patriarcal.

Un détournement des luttes féministes

Argument de choc, les gestatrices et fournisseuses d’ovocytes sont libres, avance-t-on, de cette liberté revendiquée par les femmes dans les années 1970. Voici un exemple typique de récupération et de détournement des luttes unitaires féministes. En affirmant « Notre corps nous appartient » il s’agissait alors de lever la contrainte reproductive que la société imposait aux femmes en permettant à toutes de pouvoir accéder à la contraception, à l’avortement gratuit et ainsi maîtriser la maternité. Échapper à cette astreinte devenait un « levier » pour libérer le corps des femmes, support d’oppression sociale et patriarcale. Avec la GPA, pas de volonté de libération collective, mais la mise en avant d’une vision strictement individuelle « chaque mère porteuse est libre de disposer de son corps », argument utilisé pour faire barrage à une réflexion sociale.

Ce qui est à l’œuvre ici est un système d’exploitation qui se décline en service sexuel dans la prostitution et en service procréatif avec la GPA.

D’autres voies sont possibles

Loin de nous l’idée de juger, a fortiori de condamner, les individuEs qui en tant que gestatrices ou en tant que demandeurs/euses entrent, ou sont entréEs, dans un processus de GPA. Nous ne nous positionnons pas en moralistes ni en défenseuses de la tradition. Nous ne réfléchissons pas au niveau individuel, mais globalement au niveau de la société toute entière. Le poids de la norme sociale impose la parentalité dans le cadre du couple, de la sacrosainte famille aujourd’hui modernisée avec le mariage homosexuel. Plus que jamais cette norme est à reconsidérer et la pression à la reproduction à dénoncer.

De cela, nous ne serons jamais ni les alliées, ni les complices

Pourtant, il est envisageable, en ouvrant le champ du possible et avec une vision progressiste de la société, d’envisager d’autres dispositifs ou de promouvoir d’autres pistes :

  •       Repenser la question de l’adoption simple, plénière dans le contexte actuel ;
  •       Autoriser l’accès à la PMA pour toutes au nom de l’égalité entre toutes les femmes ;
  •       Réfléchir à une éducation collective, partagée sans appropriation de l’enfant ;
  •       Penser la coparentalité, la beau-parentalité….

N.B.  Ce texte, initialement publié en 2011 était signé de la CADAC, du Planning Familial et de la CLF ( Coordination Lesbienne en France). Il a été réédité en 2014 par la CADAC et la CLF.

Télécharger le Manifeste pour l’abolition de la GPA